Les Mots chantant

Les Mots chantant

La Chapelle, du recueil Inévitable

La Chapelle

 

Dans la chapelle de la bastille, deux personnes, qui ne se connaissent pas, sont sur le point de se marier. Leurs familles –ennemies jurées depuis des générations- ont décidé pour faire la paix de marier leurs aînés. Les futurs mariés ne se sont jamais vus  mais ils ont échangé quelques idées lors de la correspondance obligatoire qui précède le mariage. La dot a été donnée, même si au fond chacun  pensait que donner son enfant en mariage était déjà trop. Le marié se tient près du prêtre, il est très élégant. La mariée n’est pas encore arrivée, l’atmosphère est tendue. Les deux patriarches se méfient l’un de l’autre. Soudain, la mariée, dans sa superbe robe, apparaît à l’entrée, elle prend le bras de son père et ensemble, en musique, ils avancent en direction du marié. Là, le père embrasse sa fille sur le front et jette au futur marié un regard noir. Un silence se fait entendre. Le prêtre se prépare à commencer quand tout à coup la mariée sort de sa robe une baïonnette, le marié, lui, en laisse glisser une de sa manche gauche. Chacun a pour cible le père de l’autre. Ils les prennent en otage et se dirigent vers la sortie puis juste avant de s’enfuir ils s’écrient: « Nous sommes libres! ». L’un des patriarches est à terre, étourdi, il ne comprend pas, l’autre se tient debout et regarde abasourdi son fils et celle qui aurait dû être sa belle-fille s’enfuir dans une calèche où l’on peut voir inscrit à l’arrière « just married ».

 

_ On a réussi, tu t’en rends compte, on a réussi !

_ Non ! Non ! Tant qu’on aura pas quitté le pays et même le continent, on sera toujours en danger!

_Moi je veux être optimiste, euh…, c’est quoi déjà ton prénom?

_Kyla, mais tu n’as pas besoin de le retenir, dès qu’on atteint la frontière de Tabucco, on se sépare, très cher Nono!

_ C’est Nino pas Nono !

_Si tu veux. Les vêtements sont à l’arrière, comme prévu ?

_Je ne sais pas, c’est toi qui devais t’en occuper !

_Quoi, non, c’était toi, moi je me suis occupée des armes !

_ Ah non, commence pas c’est toi, toi qui…

_ Hé! Tu n’es qu’un crétin, dans ma dernière lettre, je t’ai proposé de t’occuper des vêtements et moi des armes et tu m’as répondu oui!

_ Désolé mademoiselle Kyla Borsnava la plus intelligente des crétines, mais ce n’est pas ce que j’ai compris, et puis quelle idée d’utiliser un code, t’avait cas écrire normalement!

_ Je te signale que sans mon code, on n’en serait pas là, et c’est Borsnova idiot, tu connais même pas le nom de famille de tes ennemis!

_ Idiote, toi même et c’est quoi mon nom à moi, hein, toi qui es si maligne?

_Faut pas sortir de la cuisse de Jupiter pour connaître le nom de la seule famille laide, bête et méchante de tout Tabucco! Et ouai monsieur Nono Tazenda!

_ C’EST NINO! N.i.n.o !

_ Si tu veux, je passe à l’arrière, voir si je peux trouver quelque chose à me mettre, car si on veut passer inaperçu, il vaut mieux que je me débarrasse de cette robe hideuse et

ridicule!

_ Quoi elle est très bien cette robe!

_ Normal que tu dises ça c’est ta mère qui l’a faite! Et en parlant de parents, tu crois qu’ils font quoi en ce moment?

 

Pendant ce temps là, à la chapelle:

_Toi Borsnova! Je vais te tuer!

_ Non Tazenda, c’est moi qui vais te tuer, comment as-tu pu me faire ça, alors que je te proposais la paix et le partage de la ville.

_ Tu parles, tu voulais surtout marier ton horrible fille, dont personne ne veut, avec ce caractère de …, comme sa mère, elle est comme sa mère!

_tu oses, tu …, ma femme, ma fille, tu …, oh!

Il sort une arme de sa poche et tire, rate son coup alors le patriarche Tazenda attrape un couteau dans sa veste et le lance en direction de Borsnova, à ce moment là, le prêtre s’écrie «  Vous êtes dans la maison de Dieu! », mais trop tard, Lyrah Borsnova, s’est interposée entre le couteau et son mari et c’est en plein cœur qu’elle a été touché. Elle tombe dans un doux silence écarlate sous les yeux de toutes les personnes présentes dans la chapelle. Le temps s’est arrêté en même temps que son coeur. Borsnova tombe à genoux devant le corps ensanglanté de son épouse, il la prend dans ses bras, ses yeux semblent vides. Les invités profitent de cet instant pour s’enfuir. Jamais non, jamais, la guerre entre les Tazenda et les Borsnova n’avait engendré la mort. Tazenda semble troublé, il se tient dans l’allée centrale un autre couteau dans la main, il regarde son œuvre sans vraiment la comprendre. Le prêtre s’approche de lui: «  Demandez le pardon, mon fils, je vous en  prie »

_ Le pardon, ha, le pardon jamais je te le donnerai, la seule chose que tu mérites Tazenda, toi et toute ta famille c’est la mort, tu entends? La mort dans d’horribles souffrances! L’enfer vous attend ! L’enfer sera votre demeure pour toujours!

_ Mon fils ne dîtes pas…

_ Taisez-vous mon père, retournez à vos prières! Quant à toi, Tazenda, je te tuerai mais pas avec une arme, juste en utilisant mes mains, je t’étranglerai, et juste quand ton souffle sera sur le point de s’arrêter, j’ouvrirai ton torse et en sortirai ton cœur pour le donner au chien! Mais avant d’en arriver là tuer ta femme me suffira!

_Ne la touche pas Borsnova!

A cet instant, prise de panique, madame Tazenda attrape son mari par la main et le tire de toutes ses forces vers la sortie.

Devant la chapelle le deuxième fils de Tazenda s’avance et dit:

_ Pa, tout cela ne serait pas arrivé si Nino ne s’était pas laissé influencer par cette folle de Kyla, il faut les retrouver. J’ai une idée, voudrais-tu l’écouter?

Le patriarche accepte.

 

_Allez, on change va te reposer pendant que je conduis.

_Quoi, une femme, tu rigoles, rien de pire qu’une femme qui conduit! Ha, ha! T’es une marrante.

_ Espèce de macho…

_Quoi? On t’a jamais dit: « femme au volant, mo… » 

_Oh! Mon père a raison de dire…

_ De dire quoi? Hein? Laisse tomber si on veut passer inaperçu, vaut mieux que je conduise. En plus je pense qu’il va falloir s’arrêter dans une auberge, la nuit va bientôt tomber.

_ Ah et t’as trouvé ça tout seul, pauvre nul, de toutes façons vous, les hommes, n’êtes pas capables de romantisme. Tout ce que vous savez faire, c’est nous insulter.

_Bla bla bla… n’importe quoi, on ne fait que constater des vérités, vous vous plaigniez qu’on vous ment tout le temps et ben voilà! Tu veux du romantisme, je vais t’en donner, comme ça au moins peut-être que tu te tairas. Je suis bien content de pas être ton mari!

_ Et moi dont, monsieur le romantique, alors j’attends!

_Je suis un poète.

_Pff!

_Quoi? C’est quoi ce pff?

_ J’attends la suite

_ Très bien, je vais inventer un poème maintenant.

_Qu’est-ce qui va me prouver que c’est de toi et que c’est pas un poème appris par cœur?

_ Rien, tu m’as fait confiance pour t’enfuir, et tu me fais pas confiance pour un poème?  Et même s’il est pas de moi, rien que le fait d’apprendre des poèmes fait de moi un romantique, et ça tu peux pas le nier!

_ Ouai c’est bon, allez je t’écoute.

_ Y a pas de titre.

 

Avez-vous vu le soleil rouge dans ce ciel?

Ciel doux, ciel bleu, ciel vide.

Avez-vous vu le bleu de ses yeux?

Œil vif, œil bleu, œil vide.

Avez-vous vu le rouge dans ce verre?

Vin blanc, vin rouge, en vin.

 

Je n’ai pas vu le ciel bleu car pour moi il était rouge! Et le soleil…

Il est rentré dans son univers vide. Mes yeux sont bleus mais ils voient rouges.

Mon cœur bat mais en vain.

Elle a coiffé tous les soleils que mes yeux auraient pu voir.

Elle fait mal à mes yeux et à mon espoir.

 

Alors t’en dis quoi?

_Ouai pas mal. Et arrête-toi là, c’est l’auberge des Cafées.

_ Tu connais?

_ J’en ai entendu parlé, paraît qu’ils te servent des contes et rien d’autres.

_Hein? Ben bonjour livresse!

_ Non, on doit passer inaperçu, pas de consommation abusive de lecture! C’est bien compris!

_Oui, c’est bon, ça va.

 

Ils entrent dans l’auberge, Nino demande une chambre pour lui et sa femme. Kyla le regarde méchamment et il fait comme s’il ne l’avait pas vu. L’aubergiste leur propose

de s’installer à une table pour dîner. En entrant dans la salle, ils découvrent une seule et même grande table. Nino commande un conte de Grimm, Hansel et Gretel, et Kyla préfère un conte de Perrault, le Petit Poucet. A leur table vient s’installer un jeune premier, grand brun, costaud, il regarde Kyla sans arrêt et lui fait des sourires. Kyla riposte par des joues roses, et des petits sourires timides, Nino n’a rien vu, il dévore son conte comme si c’était la première fois qu’il le lisait. Soudain le jeune premier se lève, s’approche de Kyla, et lui demande quel joli prénom une aussi jolie jeune fille peut-elle porter. Nino relève la tête, fronce les sourcils, regarde Kyla puis le jeune homme, puis Kyla, puis le jeune homme, et Kyla à nouveau et s’arrête enfin sur le jeune homme et déclare tout haut que son épouse porte un merveilleux prénom que seul son époux a le droit de prononcer, et que le reste du monde doit se contenter d’un simple Madame. Le jeune homme étonné, ne sait que dire, reste un instant à regarder Nino, puis Kyla, puis Nino à nouveau et s’arrête enfin sur Kyla et dit « Pardonnez mon audace Madame », sur ces mots il se retire. Rouge, Kyla voit rouge, elle-même est rouge de colère, Nino le sait, il va passer un sale quart d’heure, alors avant même qu’elle est le temps de prononcer quoi que ce soit, devant tout le monde, il l’embrasse. Kyla passe alors du rouge au rose. Elle est pétrifiée, n’ose plus bouger, et surtout elle ne dit rien. Nino la regarde et dit « Si j’avais su ça avant ! », et il retourne à sa lecture.

Le lendemain matin Kyla se réveille dans les bras de celui qui aurait dû être son mari, mais qui finalement est devenu son amant: « Pour en arriver là, nous aurions dû nous marier hier! ». Nino lui répond: « Hier, nous subissions le vouloir de nos parents, aujourd’hui nous avons choisi. ». Ils décident donc de rentrer bien sagement chez leurs parents, de présenter leurs excuses, et de demander à ce que le mariage soit de nouveau organisé. Mais alors qu’ils s’apprêtent à monter dans la calèche, Doris, le frère de Kyla, surgit de nulle part agrippe Nino, le bouscule et le jette à terre, pendant que Samuel le cousin de Nino, attrape Kyla, la gifle, l’attache et la jette violemment à l’arrière de la calèche. Nino s’écrie: « arrête, arrête, nous étions sur le point de rentrer, arrête ». Doris n’écoute pas, et lui assène une droite, Nino tombe, Samuel intervient alors et avec l’aide de Doris il l’attache et le jette dans la calèche à côté de Kyla.

Les cris de Kyla réveillent Nino: « pourquoi, pourquoi ? On est désolé, on était en train de rentrer, c’est vrai, c’est… 

_Trop tard, ma sœur, le mal est déjà fait.

_Je suis ta grande sœur, tu dois m’écouter!

_Non toi écoute-moi, à cause de toi notre famille est détruite!

_Comment ça, pourquoi? Dis-moi, dis-moi ce qui se passe !

Doris ne répond plus. La calèche roule en direction de la chapelle. Kyla pleure, Nino la regarde tristement.

 

Devant la chapelle, Borsnova et Tazenda, les patriarches attendent. Les deux familles semblent au complet. Kyla remarque l’absence de sa mère, interroge son frère, mais pas de réponse. On les fait sortir de la calèche et on les fait mettre à genoux devant les patriarches. Ils sont toujours attachés et cette fois bâillonnés. Tazenda prend la parole:

_Vous nous avez déçu, pire encore, vous êtes les seuls vrais responsables de ce qui est arrivé hier.

Il baisse la tête, l’air navré, Borsnova prend la parole à son tour:

_Kyla, tu as tué ta mère. Nous…

Il reprend sa respiration, puis:

    

 

Nous avons décidé après une longue nuit de discussion, que vous seriez punis pour votre fuite d’hier, mais pas seulement. Quand vous vous êtes enfuis, Tazenda et moi nous sommes disputés, ta mère s’est interposée, et elle a pris un coup qu’elle n’aurait pas dû prendre. Elle nous a quitté.

_ Si vous ne vous étiez pas enfuis, rien de cela ne serait arrivé. Nous voulions arrêter cette guerre qui dure depuis des générations entre nos familles, et votre acte inconsidéré a failli engendrer une guerre encore plus horrible que la précédente.

Les deux hommes se taisent, Tazenda fait un signe à son deuxième fils. Il lui apporte une baïonnette, et Doris en apporte une à son père.

_Votre punition est l’exécution.

_Mais avant de vous tuer, vous serez quand même mariés. Mon père c’est à vous.

Le prêtre s’avance les larmes aux yeux, menacé lui aussi par une baïonnette tenue par Samuel. « Par les pouvoirs qui me sont conférés, je vous déclare, mari et femme ame… ».

Le prêtre n’a pas le temps de terminer que les coups de feux se font déjà entendre. Les corps des jeunes mariés tombent inanimés dans la poussière du sol, tout cela sous les yeux des deux familles, et dans un effroyable silence écarlate. 

 

Priscilla



24/06/2010
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