Les Mots chantant

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Une Pauvre âme, IV La Famille, du receuil La Mémoire courte

IV. La famille

 

Une Pauvre âme

 

 

Aujourd'hui, il fait beau, le temps est splendide. Je vais à Cannes rejoindre ma famille pour les vacances. Je suis heureux, je vais retrouver mes parents, ma sœur Leona. Tous mes cousins, mes tantes, mes oncles seront là. Tous les ans nous nous retrouvons à la Villa Ilona. Mon arrière grand-père a construit cette villa et lui a donné le nom de ma grand-mère à qui il était dévoué, elle a été l'amour de sa vie. Entre nous, nous disons Ilona, nous allons à Ilona. Nous disons villa mais ce n'est pas loin d'être un manoir... Nous sommes une grande famille. Mon arrière grand-père Pierre et sa femme Ilona ont eu cinq enfants : Jean, l'aîné, est malheureusement mort à l'âge de douze ans, il s'est noyé. Charles a quitté la France, il ne s'entendait pas avec son père, il aimait la musique plus que sa famille selon mon grand-père. Laurette et Roger, des jumeaux. Et mon grand-père Clément. Mon grand-père Clément, que j'appelle Papieclém a épousé en 1925 Raymonde De Fleuris, ma grand-mère. De leur union sont nés quatre enfants : mon père Pierre-Jean, Marie, Mérédith et Antoine.

Laurette et Roger ne se sont jamais mariés et ont vécu avec leurs parents toute leur vie. Ils sont restés dans la villa après la mort des mes arrières grand-parents. Il y a deux ans Roger nous a quittés, depuis Laurette semble errer sans cesse. Mon père a épousé Lise Emioti, ma mère. Ma tante Marie ne s'est jamais mariée, sa vie sentimentale est un véritable secret. Ma tante Mérédith s'est mariée trois fois, a divorcé trois fois et a trois enfants : Éric, l'aîné est chirurgien-dentiste ; Ilona est secrétaire, et Solange est institutrice. Enfin mon oncle Antoine s'est marié avec Jeanne Drouen, ils ont eu deux enfants : Virginie et Michael. Virginie ne travaille pas. Michael suit les traces de son père et se prépare à reprendre les rennes de sa société de locations de véhicules.

Moi, je suis Romain, pour l'instant je ne travaille pas vraiment. Je voyage, je fais le tour du monde. Je suis diplômé en finance. Comme Michael, je devrai reprendre les rennes de la société de mon père, ou plutôt comme j'aime le dire de son empire, il est à la tête d'une entreprise de blanchisserie connue mondialement... ma sœur Leona est dans les associations humanitaires, je ne saurai dire, je ne comprends pas vraiment, elle va dans des pays pauvres et aident les pauvres, et dire qu'elle est diplômée en médecine... Enfin bref ! Tout ce petit monde réuni pendant trois semaines.

Sabine m'accompagne, je l'ai rencontré à Marseille il y a trois semaines. Elle étudie la psychologie, elle est à peine plus jeune que moi. Grande, élancée, douce, tout ce qui me plaît. Je vais la présenter à ma famille, mais cela n'a rien d'officiel, je voulais surtout l'impressionner en lui montrant Ilona. Ses parents, à ce que j'ai cru comprendre sont ouvriers, quelque chose comme ça.

J'arrive aux pieds de son immeuble, je klaxonne. Elle se met à la fenêtre et me fait signe qu'elle descend. Très bien, je n'aurai pas à rencontrer sa famille. Comme elle est belle, elle porte une petite robe bleu qui met en valeur ses formes. Elle a une valise, je lui fais signe de la mettre dans le coffre. Elle me regarde un instant, fronce les sourcils et s'avance vers le coffre. Ah les femmes ! Elles comprennent vite mais faut leur expliquer longtemps ! Elle s'installe dans la voiture et je lui tend mes lèvres pour un baiser :

-ça t'aurait tué de sortir de ta caisse pour me dire bonjour et m'aider à mettre la valise dans la voiture ?

-ah désolé ma chérie, comme nous sommes pressés j'ai pensé que ça serait plus rapide si je restais au volant.

-ouais t'as pensé...

-et mon baiser, j'ai pas droit à mon baiser ?

Elle me donne un baiser rapide. Ah les femmes ! Tout est compliqué avec elles !

-Alors prête à découvrir Ilona ?

-Tu m'en as tellement parlé que j'ai l'impression de connaître les lieux. Si tu veux quand on fera une pause, je prendrai le volant comme ça tu pourras te reposer.

-Ah ! Comme c'est gentil ! On verra, je n'ai pas l'habitude de laisser d'autres personnes conduire ma voiture. Tu comprends une Audi R8, qui plus est mon Audi, j'y fais attention.

-OK !

J'allume la radio, et je mets en route un CD. Je l'ai acheté hier, Sabine m'a dit qu'elle aimait le rap. Ce n'est pas mon style à moi, mais j'ai voulu lui faire plaisir.

-C'est quoi ça ?

-Ben, c'est du rap, ma chérie !

-Non mais c'est quoi, c'est qui ?

-C'est euh, euh, c'est Boo Boo quelque chose...

-Quoi ! T'écoutes ça toi ? Booboo quelque chose c'est ça ?

-Euh oui pourquoi ?

-ah t'es sérieux ?

-Oui...

-Non parce que ça pour moi c'est pas du rap... mais bon chacun ses goûts !

-Ah oui, euh je...

-Mais t'aimes quoi dans sa musique à lui sérieux ? Bon prends pas mal mais faut avoir envie d'écouter quoi !

-Ah, euh, je... je... bon tu n'aimes pas, pas grave on peut mettre la radio tout simplement...

-ok... quand tu m'as dit que t'aimais aussi le rap, je pensais qu'on s'était compris, parce qu'on a parlé de la merde commerciale et du rap … en plus je t'ai dit ce que j'aimais et toi tu m'as dit que tu me f'rais écouter. Je m'attendais pas à ça !

-Oui on s'est mal compris sûrement... ce n'est pas grave...

-Pas grave, ouais ça dépend si t'es un fan inconditionnel ça le devient !

-Non. Sinon ce début de vacances s'est bien passé ?

-OK je t'ai agacé, on change de sujet... Ha ! Oui ça va, comme un début de vacances.

Je monte le volume de la radio, je sens que le voyage va être long. Sabine est silencieuse et regarde par la fenêtre, il y a beaucoup de voitures sur l'autoroute. J'ai hâte d'être chez moi.

Après une heure et demie de route, nous arrivons vers Fréjus. Nous faisons une pause.

-Oh ! Ça fait du bien de se dégourdir les jambes !

-Oui et puis quelle chaleur aujourd'hui, tu verras à Ilona nous avons deux piscines une est couverte et l'autre est à l'extérieur,et il y a la clim dans presque toutes les pièces !

-Oui tu me l'as déjà dit! Mais qui vit à l'année à Ilona ?

-Ma grande Tante Laurette, mon père et ma mère y vivent six mois dans l'année, le reste du temps ils sont à Paris.

-OK, ce doit être grand pour ta tante elle doit se sentir seule ?

-Ma grande Tante Laurette, est, comment dire, depuis le décès de son frère jumeau, mon Grand Oncle Roger, elle est un peu perdue, elle passe le plus clair de son temps dans ses appartements.

-Dans ses quoi ?

-Sa chambre, mais ne t'inquiète pas les domestiques sont avec elle, elle n'est pas complètement seule.

-Les quoi ?

-Ah oui nous avons des agents d'entretien, c'est comme ça qu'on dit non ?

-Euh oui...

- Tu veux boire quelque chose ?

-oui merci de l'eau ça ira. Vers quelle heure on sera chez toi ?

-Encore environ une demie heure de route . Je vais nous chercher à boire.

Pendant que je suis dans la station pour acheter les boissons, je me retourne et regarde mon Audi, Sabine est appuyée dessus les bras croisés. Un homme s'approche d'elle. Ils discutent. Je me dépêche de payer ? Et je me dirige vers Sabine. Je m'approche, l'homme me regarde de la tête aux pieds.

-Bonjour !

-Ah Romain, le monsieur aimerait savoir depuis quand tu as ta voiture ?

-Elle n'est pas à vendre si c'est le but de la question. Allez Sabine, nous avons encore de la route.

-Non, monsieur c'était juste une question comme ça. Sabine, ravi de vous avoir rencontrée. Tenez, prenez mon numéro si votre situation change un jour...

-Ah ! Merci.

Nous entrons dans la voiture. Je me tourne vers Sabine et elle déchire un morceau de papier et le jette :

-Quand un inconnu s'approche de la voiture il ne faut surtout pas lui donner de renseignements sur ma voiture ! On ne sait jamais, il pourrait vouloir la voler...

-Ah ! OK, et qu'il te vole autre chose ne te dérange pas ?

-Quoi, à part la voiture je ne vois pas ce qu'il pourrait me prendre !

-OK, ça c'est dit ! Tu as raison prends soin de ta voiture, c'est probablement la seule chose que tu posséderas entièrement dans ta vie !

-Hum ! J'ai pas vraiment compris ma douce ! Mais tu as raison, il faut entretenir sa voiture et en prendre soin, tu verras quand tu en auras une.

-Pff !

J'ai le cagnard dans les yeux !

-Pardon, je n'ai pas compris ma douce ?

- J'ai le cagnard dans les yeux !

-Le cagn...

- Laisse tomber !

A ce moment là mon téléphone sonne, je décroche :

- Papa !

-Allô Romain

- Oui Papa tu es en haut parleur, je suis en train de conduire.

-Ah, oui, euh bon, ta mère m'a dit que tu venais accompagner

- Oui mon Papounet, d'ailleurs Sabine est avec moi en ce moment. Dis bonjour Sabine , dis bonjour !

- … euh bonjour...

-Ah oui, euh bon, euh bonjour. Romain ! Tu aurais pu me prévenir avant que tu venais accompagner j'aurai apprécié.

-Ah mais je …

-Tu sais bien que Tante Laurette n'apprécie pas les changements, la nouveauté. Tu l'as appelée récemment ?

- euh … non... pas depuis longtemps et toi ?

-Bon comme je m'y attendais, bien sûr que non tu crois que j'ai le temps de jacasser au téléphone, je suis très occupé... Et puis Papy n'est pas en bonne santé, il a besoin de calme, tu es au courant pour la lettre ?

-La lettre ? Non …

-Ah encore une autre histoire ça... et puis qui va payer pour la nourriture, tu ne participes pas toi hein, euh, oui, euh bon, et on en a déjà parlé je préfère que tu viennes seul euh, oui, euh bon où es-tu ?

- Nous avons passé Fréjus il y a quelques minutes pourquoi ?

-Ah, oui, euh bon, non pour rien c'est trop tard maintenant de toute façon.

- euh.. Pa...

- Allez, euh, nous arriverons demain, allez à demain, je te passe ta mère.

-A demain

-Allô

-Oui Mamounette, j'ai mis le haut parleur

-Ah oui, bonjour.

-Papounet m'a parlé d'une lettre ?

-Oui, euh… ton oncle Antoine veut faire interner ton grand-père. Il veut l'envoyer dans une maison de retraite.

-ah oui ?

-Oui nous allons en discuter tous ensemble mais nous sommes tous d'accord

-Mais Papieclém est si mal que ça ?

-Euh… euh mal, mal, non mais nous pensons qu'il serait mieux ailleurs que dans cette villa. Et puis quand nous venons l'été il est toujours de mauvaise humeur au moins comme ça on ne le dérangera plus, mais nous en parlerons

-et Tante Laurette ?

-Ah oui nous avons trouvé un hôpital avec le meilleur personnel mais nous en parlerons.

- bon … très bien

- Allez Romain, Maman t'embrasse

- Oui moi aussi Mamounette.

Sabine me regarde :

-euh je rêve où ton père ne veut pas que je vienne ?

-Mais non ma douce mais non, c'est moi, j'aurai dû prévenir Tante Laurette.

-Tu rigoles là et… ton grand-père est en mauvaise santé ?

-Bien sûr que non ! A son âge il est en pleine forme !

-Pourquoi le mettre en maison de retraite alors ?

-Ah ben tu sais à partir d'un certain âge, les vieux c'est comme les enfants faut s'en occuper …

-Quoi ?

Le téléphone sonne encore :

-Ah ben décidément, ah c'est ma sœur !

Allô Leo

-Allô Romain, ça va ? C'est Leona

-Oui tu es en haut parleur je suis en train de conduire

-OK. Tu es en route vers Ilona ?

-Oui et toi tu arrives quand ?

-Tu blagues là, tu crois vraiment que je vais aller me faire chier avec les parents dans ce manoir en ruine !

- euh … je... euh Leona je suis en compa...

-Et toi t'amènes qui cette fois ?

-Justement je te disais je suis en compagnie de Sabine.

-Ah ! Ah merde ! Euh désolée, elle m'entend là ?

-Oui

- Ah salut Sabrine

-Salut c'est Sabine

-Ouais Sabine

-Ah ben vous êtes où là, vous êtes arrivés là ?

-Non, pas encore et toi tu vas faire quoi alors ?

-Ah ben moi là je vais à Paris avec Thomas, on rejoint Cécile et Marie. Tu les connais non , ah tu connais Cécile je crois ?

-Euh... oui...

-Ah oui c'est vrai vous aviez passés tout le séjour quand on était à Londres collés. Ah ouais pff j'avais oublié... Bon bref on va en Espagne, bien mieux que de se retrouver comme des cons à Ilona avec Tante Laurette qui regarde tout le monde de travers, les grands-parents qui se plaignent du bruit, les parents qui cassent les couilles pou rien et les cousins qui se prennent la tête, leurs mômes qui courent partout et en plus ils s'en occupent pas ! Les disputes pour savoir qui héritera de quoi, c'est bon, merci ! Et en lus maintenant ils ont décidé d'envoyer papi et mamie en maison de retraite, et Tante Laurette à l'hospice, je te dis pas le bordel que ça va être cette histoire…

-Ah euh tu exagères quand même c'est...

-pff tu blagues là ! Ah mais c'est vrai toi t'es toujours en charmante compagnie et tu calcules pas trop ce qui se passe … Faudrait qu'un jour tu restes un peu parmi nous quand on est à Ilona, tu verrais un peu les guéguerres… moi ils me gonflent tous ! Les voir à Noël et aux anniversaires ça me suffit amplement ! Toi tu vois rien t'as toujours la bouche occupée si tu vois ce que je veux dire ! Ah aha ! c'était comment déjà … Laurie … Laurine …

-Euh bon Leo, je te souhaite un bon séjour...

-Ah non Laurianne, une vraie chaudasse ! Aucune limite ! Mais comment tu les choisis ! Et où tu les trouves !

-Euh c'est bon Leo, bon séjour en Espagne, je te rappelle allez ciao ciao !

-Ah OK ! merci, bon séjour et Sabrine à bientôt j'espère

- A bientôt

Sabine a son regard tourné vers la fenêtre. Puis elle me dit :

-J'aimerai que tu me laisses à la prochaine gare s'il te plaît .

-Quoi ? Mais non enfin, pourquoi ? C'est à cause de mon père ? Non …

-De ton père, mais surtout de toi. Je connais pas ta famille mais honnêtement je n'ai aucune envie de la connaître !

-Mais, mais je ne comprends pas , qu'est ce que j'ai fait ?

-Sérieux, écoute j'essaie de rester polie, qu'est-ce que t'as fait ! Wouah ! Non ! laisse moi à la prochaine gare.

Quand je t'ai rencontré, j'ai cru que j'étais tombée sur un garçon gentil, de bonne famille. Et en fait t'es un ... comment dire … en restant poli... un tombeur … un Don Juan qui a l'habitude de ramener des filles dans le manoir familiale pour les sauter ! Et en plus quelle famille ! Vous êtes prêt à vous débarrasser des plus vieux pour avoir la maison, la villa, ou le château rien que pour vous ! T'as aucun respect pour les femmes, aucun respect pour ta famille et au final t'as aucun respect pour toi ! T'es égocentrique et j'en passe... Et toi et moi c'est impossible !

Tu crois que tu peux m'acheter avec ta voiture, ton château … mais sérieux … je veux du fric alors je travaille, je veux une voiture alors je travaille... et être la pouf d'un homme c'est pas du tout ce que je recherche. Je suis la pouf de personne parce que je suis pas une pouf ! Et puis dans ta famille votre système de valeurs a l'air plutôt bas !

Je ne savais pas quoi répondre, je ne comprenais pas cette réaction. Mais je finis par lui dire :

- Tout d'abord nous sommes très riche, et donc notre système de valeurs est plutôt haut !

-Gros nul, je parle de valeur humaine, tu connais ces mots : respect, sincérité, générosité, partage ?

-Bien sûr que oui !

-Alors apprends les définitions car apparemment elles t'échappent !

-Très bien, je vais te déposer dans une gare et c'est terminé pas la peine de me téléphoner. Tu as raison il vaut mieux qu'on arrête là, tu es folle et ente nous ça ne peut pas fonctionner.

-Quel con !

J'ai déposé Sabine à la gare de Nice. Je l'ai regardée s'éloigner avec sa valise. Puis j'ai repris la route, je n'avais pas envie d'arriver à Ilona seul. Je me suis arrêté à Nice, j'ai fait un tour sur la Promenade des Anglais. Si j'avais su que je tomberai sur une folle... Elle ne sait pas ce qu'elle perd ! Ilona mérite que je ramène une femme qui sache profiter de la vie, des bonnes occasions qui se présentent. Et dire que j'ai acheté un cd de rap pour elle...

-Excusez-moi !

Une charmante demoiselle m'interpelle, elle est parfaite : grande, élancée, une voix douce, tout ce qui me plaît.

-Oui Mademoiselle, je vous excuse

- J'aimerai me rendre à la gare, pourriez-vous …

- Dîtes-moi, charmante demoiselle, vous faites quoi les deux prochaines semaines ?

 

Priscilla

 

 

 

 



15/07/2015
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